Cruel paradoxe de ce printemps arabe : les défenseurs des droits de l'homme bahreïnis utilisent les réseaux sociaux occidentaux pour manifester ; leurs tortionnaires, des systèmes de surveillance occidentaux pour les espionner.
Au printemps dernier, un Bahreïni exilé à Londres, une économiste britannique résidant à Bahreïn et le propriétaire d’une station service en Alabama, naturalisé Américain, recevaient un e-mail émanant apparemment d’une journaliste d’Al-Jazeera.
Il y était question d’un rapport rédigé par Zainab Al-Khawaja, sur les tortures infligées à Nabeel Rajab, deux des défenseurs des droits de l’homme incarcérés (et probablement torturés) à Bahreïn, suivi de cette précision :
“Merci de vérifier le rapport détaillé en pièces jointe, avec des images de torture.“
Quelques jours plus tard, ils recevaient d’autres emails évoquant l’arrestation d’opposants bahreïnis, ou encore l’agenda du roi de Bahreïn, et systématiquement accompagnés de fichiers compressés en pièce jointe, laissant penser qu’il pourrait s’agir de virus informatiques.
Ces e-mails, transmis au journaliste de BloombergVernon Silver (qui a particulièrement suivi l’utilisation de technologies de surveillance occidentales par les dictatures arabes), ont ensuite été analysés par deux chercheurs associés au Citizen Lab, un laboratoire de recherche canadien qui étudie notamment les technologies de surveillance politique.
Morgan Marquis-Boire, un ingénieur en sécurité informatique travaillant chez Google, est un spécialiste (.pdf) des logiciels espions utilisés par les barbouzes libyens et syriens pour pirater les ordinateurs des cyber-dissidents. Bill Marczak, un doctorat en informatique de Berkeley, fait quant à lui partie de Bahrain Watch, qui veut promouvoir la transparence au Bahreïn, et dont le site tient la comptabilité des manifestants et civils tués par les autorités, des armes (chevrotine, grenades et gaz lacrymogènes) achetées à des entreprises occidentales, et des entreprises de relations publiques anglo-saxonnes financées par le régime.
En analysant les e-mails envoyés aux défenseurs des droits de l’homme bahreïnis, les deux chercheurs ont découvert un logiciel espion particulièrement perfectionné, utilisant une “myriade de techniques destinées à échapper à toute forme de détection“, notamment par les antivirus, dont le code n’en mentionnait pas moins, et plusieurs fois, le mot FinSpy, la société Gamma International, et le nom de plusieurs de ses responsables.
FinSpy, à en croire cette proposition de contrat trouvée en mars 2011 dans l’un des bâtiments de la sécurité égyptienne après la chute du régime Moubharak, est vendu près de 300 000 euros. C’est l’un des produits phares de la gamme d’outils de “lutte informatique offensive” commercialisés par FinFisher, filiale de la société britannique Gamma, spécialisée dans les systèmes de surveillance et d’interception des télécommunications. Owni avait déjà eu l’occasion de présenter sa gamme de produits, et même de réaliser un montage vidéo à partir des clips promotionnels expliquant le fonctionnement de ses logiciels.
A l’occasion de l’opération SpyFiles, WikiLeaks et Privacy International avaient révélé que FinFisher faisait partie des cinq marchands d’armes de surveillance numérique spécialisés dans les chevaux de Troie. Derrière ce nom, des logiciels espions créés pour prendre le contrôle des ordinateurs qu’ils infectent afin d’activer micro et caméra, d’enregistrer toutes les touches tapées sur le clavier (et donc les mots de passe) ou encore les conversations sur Skype, par messagerie instantanée, par e-mail etc. avant de renvoyer, de façon furtive et chiffrée, les données interceptées via des serveurs situés dans plusieurs pays étranger.
Un autre chercheur en sécurité informatique a ainsi réussi à identifier des serveurs utilisés pour contrôler FinSpy, et donc espionner des ordinateurs, en Estonie, Éthiopie, Indonésie, Lettonie, Mongolie, au Qatar, en république tchèque et aux USA, mais également en Australie, ainsi qu’à Dubai, deux des pays placés “sous surveillance” dans le classement des Ennemis d’Internet émis par Reporters sans frontières. Dans une seconde note, publiée fin août, CitizenLab révèle avoir identifié d’autres serveurs dans 2 des 12 pays considérés comme des “Ennemis d’Internet” par RSF : l’un au Bahreïn, l’autre contrôlé par le ministère des télécommunications du Turkménistan, considéré comme l’un des régimes les plus répressifs au monde.
Les deux chercheurs détaillent par ailleurs le fonctionnement de FinSpy Mobile, qui permet d’infecter les iPhone et autres téléphones portables Android, Symbian, Windows et Blackberry, afin de pouvoir espionner les SMS, emails et télécommunications, exfiltrer les contacts et autres données, géolocaliser le mobile, et même d’activer, à distance, le téléphone à la manière d’un micro espion, sans que l’utilisateur ne s’aperçoive de la manipulation.
A Bloomberg, qui l’interrogeait, Martin J. Muench, 31 ans, le concepteur de FinFisher, a nié avoir vendu son cheval de Troie à Bahreïn, tout en reconnaissant qu’il pourrait s’agir d’une version de démonstration de son logiciel espion qui aurait été volée à Gamma. Au New York Times, où il démentait toute espèce d’implication, expliquant, tout comme l’avait fait Amesys, que ses produits ne servaient qu’à combattre les criminels, à commencer par les pédophiles :
Les utilisations les plus fréquentes visent les pédophiles, les terroristes, le crime organisé, le kidnapping et le trafic d’être humain.
Dans une déclaration publiée moins d’une heure après la publication de la deuxième note de Citizen Lab, Martin J. Muench envoyait un communiqué mentionné par le New York Times pour expliquer que l’un des serveurs de Gamma aurait été piraté, et que des versions de démonstrations de FinSpy auraient bien été dérobées. Dans la foulée, plusieurs des serveurs utilisés par FinFisher pour permettre aux données siphonnées de remonter jusqu’à leurs donneurs d’ordre ont disparu des réseaux.
Comme notre enquête sur Amesys, le marchand d’armes français qui avait créé un système de surveillance généralisé d’Internet à la demande de Kadhafi (voir Au pays de Candy) l’avait démontré, les logiciels espions et systèmes d’interception et de surveillance des télécommunications ne font pas partie des armes dont l’exportation est juridiquement encadrée (voir Le droit français tordu pour Kadhafi). Aucune loi n’interdit donc à un marchand d’armes occidental de faire commerce avec une dictature ou un pays dont on sait qu’il se servira de ces outils pour espionner opposants politiques et défenseurs des droits humains.
François Hollande recevant le roi Hamed ben Issa al-Khalifa de Bahreïn
Interrogé lors d’un point presse ce 4 septembre, le porte-parole de l’ambassade de France à Bahreïn a expliqué avoir “appris avec déception les décisions de la Cour d’appel du Bahreïn qui confirment les lourdes peines infligées à ces opposants” :
Le cas de Monsieur Khawaja nous préoccupe tout spécialement. Nous espérons vivement qu’un réexamen de ces condamnations aura lieu lors d’un éventuel pourvoi en cassation. Nous restons préoccupés par la persistance des tensions dans le royaume de Bahreïn et rappelons notre profond attachement aux principes de liberté d’expression et de droit à manifester pacifiquement.
Le 23 juillet dernier, François Hollande recevait très discrètement le roi du Bahreïn, Hamed ben Issa Al Khalifa, à Paris. Etrangement, cette visite officielle ne figurait pas sur l’agenda du président, et n’a été connue que parce qu’une journaliste de l’AFP a tweeté, interloquée, leur poignée de main sur le perron de l’Elysée. Officiellement, côté français, il a été question de la situation en Syrie, et de la menace nucléaire en Iran. Jean-Paul Burdy, maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, relève cela dit que l’agence de presse de Bahreïn avance que de nombreux autres sujets ont été abordés, y compris la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre “toutes les formes de terrorisme et d’extrémisme“, ainsi que de “l’importance de la promotion de la démocratie et des droits humains“. Au lendemain de cette visite, la presse bahreïnie salue en “une” l’accord de coopération signé entre la France et le Bahreïn, et visant à mettre en place, souligneLe Monde, des réformes dans les secteurs de la presse et de la justice, ce qui fait bondir l’opposition :
La France prend le risque de devenir la complice des tours de passe-passe de la monarchie, s’indigne Abdel Nabi Al-Ekry, un vieil opposant de gauche. Comment peut-elle prétendre réformer la justice bahreïnie alors que 21 des dirigeants de l’opposition croupissent en prison, au terme de procès bidons ? C’est décevant de la part d’un socialiste comme Hollande.
L’agenda de l’Élysée, dépiauté par Rue89, révèle qu’”au moins six autres représentants de pays autoritaires ou franchement dictatoriaux ont été reçus par François Hollande depuis son élection“, alors même que François Hollande avait pourtant promis de “ne pas inviter de dictateurs à Paris“. Cinq d’entre eux sont soupçonnés d’avoir voulu acheter le système Eagle de surveillance généralisé de l’Internet conçu par la société française Amesys à la demande de Kadhafi, et dont le nom de code, en interne, était Candy, comme bonbon, en anglais.
À la manière d’un mauvais polar, les autres contrats négociés par Amesys portent en effet tous un nom de code inspiré de célèbres marques de friandises, bonbons, chocolats, crèmes glacées ou sodas : “Finger” pour le Qatar (sa capitale s’appelle… Doha), “Pop Corn” pour le Maroc, “Kinder” en Arabie Saoudite, “Oasis” à Dubai, “Crocodile” au Gabon, et “Miko” au Kazakhstan, dont le dictateur-président est le seul à ne pas avoir encore été reçu par François Hollande, quand bien même il utiliserait par contre le système FinSpy de FinFisher.
Depuis le classement sans suite de la plainte déposée à l’encontre d’Amesys, à la veille de la présidentielle, le nouveau gouvernement ne s’est jamais prononcé sur cette affaire, par plus que sur l’implication de Claude Guéant, Brice Hortefeux et des services secrets français, non plus que sur une éventuelle interdiction, à l’exportation, de la commercialisation des armes de surveillance numérique.
Pour se prémunir de ce genre de chevaux de Troie, Citizen Lab rappelle tout d’abord que ces logiciels espions ne peuvent être installés que si le pirate a un accès physique à la machine (ordinateur ou téléphone portable), ou si la victime accepte d’ouvrir une pièce jointe ou une application que les espions prennent cela dit généralement soin de maquiller de sorte qu’elle émane d’une personne ou institution de confiance. Les chercheurs recommandent également de régulièrement mettre à jour systèmes d’exploitation et logiciels -à commencer par l’anti-virus, les suites Office, Acrobat, Java, Flash, en vérifiant que les mises à jour proviennent de sources légitimes et de confiance-, mais également d’installer des fonds d’écran protégés par mot de passe (pour éviter à un intrus de profiter d’une pause pipi pour pirater votre système), et enfin d’utiliser si possible des mots de passe forts, et des logiciels de chiffrement. Voir aussi, à ce titre, notre petit manuel de contre-espionnage informatique.
Cruel paradoxe de ce printemps arabe : les défenseurs des droits de l'homme bahreïnis utilisent les réseaux sociaux occidentaux pour manifester ; leurs tortionnaires, des systèmes de surveillance occidentaux pour les espionner.
Au printemps dernier, un Bahreïni exilé à Londres, une économiste britannique résidant à Bahreïn et le propriétaire d’une station service en Alabama, naturalisé Américain, recevaient un e-mail émanant apparemment d’une journaliste d’Al-Jazeera.
Il y était question d’un rapport rédigé par Zainab Al-Khawaja, sur les tortures infligées à Nabeel Rajab, deux des défenseurs des droits de l’homme incarcérés (et probablement torturés) à Bahreïn, suivi de cette précision :
“Merci de vérifier le rapport détaillé en pièces jointe, avec des images de torture.“
Quelques jours plus tard, ils recevaient d’autres emails évoquant l’arrestation d’opposants bahreïnis, ou encore l’agenda du roi de Bahreïn, et systématiquement accompagnés de fichiers compressés en pièce jointe, laissant penser qu’il pourrait s’agir de virus informatiques.
Ces e-mails, transmis au journaliste de BloombergVernon Silver (qui a particulièrement suivi l’utilisation de technologies de surveillance occidentales par les dictatures arabes), ont ensuite été analysés par deux chercheurs associés au Citizen Lab, un laboratoire de recherche canadien qui étudie notamment les technologies de surveillance politique.
Morgan Marquis-Boire, un ingénieur en sécurité informatique travaillant chez Google, est un spécialiste (.pdf) des logiciels espions utilisés par les barbouzes libyens et syriens pour pirater les ordinateurs des cyber-dissidents. Bill Marczak, un doctorat en informatique de Berkeley, fait quant à lui partie de Bahrain Watch, qui veut promouvoir la transparence au Bahreïn, et dont le site tient la comptabilité des manifestants et civils tués par les autorités, des armes (chevrotine, grenades et gaz lacrymogènes) achetées à des entreprises occidentales, et des entreprises de relations publiques anglo-saxonnes financées par le régime.
En analysant les e-mails envoyés aux défenseurs des droits de l’homme bahreïnis, les deux chercheurs ont découvert un logiciel espion particulièrement perfectionné, utilisant une “myriade de techniques destinées à échapper à toute forme de détection“, notamment par les antivirus, dont le code n’en mentionnait pas moins, et plusieurs fois, le mot FinSpy, la société Gamma International, et le nom de plusieurs de ses responsables.
FinSpy, à en croire cette proposition de contrat trouvée en mars 2011 dans l’un des bâtiments de la sécurité égyptienne après la chute du régime Moubharak, est vendu près de 300 000 euros. C’est l’un des produits phares de la gamme d’outils de “lutte informatique offensive” commercialisés par FinFisher, filiale de la société britannique Gamma, spécialisée dans les systèmes de surveillance et d’interception des télécommunications. Owni avait déjà eu l’occasion de présenter sa gamme de produits, et même de réaliser un montage vidéo à partir des clips promotionnels expliquant le fonctionnement de ses logiciels.
A l’occasion de l’opération SpyFiles, WikiLeaks et Privacy International avaient révélé que FinFisher faisait partie des cinq marchands d’armes de surveillance numérique spécialisés dans les chevaux de Troie. Derrière ce nom, des logiciels espions créés pour prendre le contrôle des ordinateurs qu’ils infectent afin d’activer micro et caméra, d’enregistrer toutes les touches tapées sur le clavier (et donc les mots de passe) ou encore les conversations sur Skype, par messagerie instantanée, par e-mail etc. avant de renvoyer, de façon furtive et chiffrée, les données interceptées via des serveurs situés dans plusieurs pays étranger.
Un autre chercheur en sécurité informatique a ainsi réussi à identifier des serveurs utilisés pour contrôler FinSpy, et donc espionner des ordinateurs, en Estonie, Éthiopie, Indonésie, Lettonie, Mongolie, au Qatar, en république tchèque et aux USA, mais également en Australie, ainsi qu’à Dubai, deux des pays placés “sous surveillance” dans le classement des Ennemis d’Internet émis par Reporters sans frontières. Dans une seconde note, publiée fin août, CitizenLab révèle avoir identifié d’autres serveurs dans 2 des 12 pays considérés comme des “Ennemis d’Internet” par RSF : l’un au Bahreïn, l’autre contrôlé par le ministère des télécommunications du Turkménistan, considéré comme l’un des régimes les plus répressifs au monde.
Les deux chercheurs détaillent par ailleurs le fonctionnement de FinSpy Mobile, qui permet d’infecter les iPhone et autres téléphones portables Android, Symbian, Windows et Blackberry, afin de pouvoir espionner les SMS, emails et télécommunications, exfiltrer les contacts et autres données, géolocaliser le mobile, et même d’activer, à distance, le téléphone à la manière d’un micro espion, sans que l’utilisateur ne s’aperçoive de la manipulation.
A Bloomberg, qui l’interrogeait, Martin J. Muench, 31 ans, le concepteur de FinFisher, a nié avoir vendu son cheval de Troie à Bahreïn, tout en reconnaissant qu’il pourrait s’agir d’une version de démonstration de son logiciel espion qui aurait été volée à Gamma. Au New York Times, où il démentait toute espèce d’implication, expliquant, tout comme l’avait fait Amesys, que ses produits ne servaient qu’à combattre les criminels, à commencer par les pédophiles :
Les utilisations les plus fréquentes visent les pédophiles, les terroristes, le crime organisé, le kidnapping et le trafic d’être humain.
Dans une déclaration publiée moins d’une heure après la publication de la deuxième note de Citizen Lab, Martin J. Muench envoyait un communiqué mentionné par le New York Times pour expliquer que l’un des serveurs de Gamma aurait été piraté, et que des versions de démonstrations de FinSpy auraient bien été dérobées. Dans la foulée, plusieurs des serveurs utilisés par FinFisher pour permettre aux données siphonnées de remonter jusqu’à leurs donneurs d’ordre ont disparu des réseaux.
Comme notre enquête sur Amesys, le marchand d’armes français qui avait créé un système de surveillance généralisé d’Internet à la demande de Kadhafi (voir Au pays de Candy) l’avait démontré, les logiciels espions et systèmes d’interception et de surveillance des télécommunications ne font pas partie des armes dont l’exportation est juridiquement encadrée (voir Le droit français tordu pour Kadhafi). Aucune loi n’interdit donc à un marchand d’armes occidental de faire commerce avec une dictature ou un pays dont on sait qu’il se servira de ces outils pour espionner opposants politiques et défenseurs des droits humains.
François Hollande recevant le roi Hamed ben Issa al-Khalifa de Bahreïn
Interrogé lors d’un point presse ce 4 septembre, le porte-parole de l’ambassade de France à Bahreïn a expliqué avoir “appris avec déception les décisions de la Cour d’appel du Bahreïn qui confirment les lourdes peines infligées à ces opposants” :
Le cas de Monsieur Khawaja nous préoccupe tout spécialement. Nous espérons vivement qu’un réexamen de ces condamnations aura lieu lors d’un éventuel pourvoi en cassation. Nous restons préoccupés par la persistance des tensions dans le royaume de Bahreïn et rappelons notre profond attachement aux principes de liberté d’expression et de droit à manifester pacifiquement.
Le 23 juillet dernier, François Hollande recevait très discrètement le roi du Bahreïn, Hamed ben Issa Al Khalifa, à Paris. Etrangement, cette visite officielle ne figurait pas sur l’agenda du président, et n’a été connue que parce qu’une journaliste de l’AFP a tweeté, interloquée, leur poignée de main sur le perron de l’Elysée. Officiellement, côté français, il a été question de la situation en Syrie, et de la menace nucléaire en Iran. Jean-Paul Burdy, maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, relève cela dit que l’agence de presse de Bahreïn avance que de nombreux autres sujets ont été abordés, y compris la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre “toutes les formes de terrorisme et d’extrémisme“, ainsi que de “l’importance de la promotion de la démocratie et des droits humains“. Au lendemain de cette visite, la presse bahreïnie salue en “une” l’accord de coopération signé entre la France et le Bahreïn, et visant à mettre en place, souligneLe Monde, des réformes dans les secteurs de la presse et de la justice, ce qui fait bondir l’opposition :
La France prend le risque de devenir la complice des tours de passe-passe de la monarchie, s’indigne Abdel Nabi Al-Ekry, un vieil opposant de gauche. Comment peut-elle prétendre réformer la justice bahreïnie alors que 21 des dirigeants de l’opposition croupissent en prison, au terme de procès bidons ? C’est décevant de la part d’un socialiste comme Hollande.
L’agenda de l’Élysée, dépiauté par Rue89, révèle qu’”au moins six autres représentants de pays autoritaires ou franchement dictatoriaux ont été reçus par François Hollande depuis son élection“, alors même que François Hollande avait pourtant promis de “ne pas inviter de dictateurs à Paris“. Cinq d’entre eux sont soupçonnés d’avoir voulu acheter le système Eagle de surveillance généralisé de l’Internet conçu par la société française Amesys à la demande de Kadhafi, et dont le nom de code, en interne, était Candy, comme bonbon, en anglais.
À la manière d’un mauvais polar, les autres contrats négociés par Amesys portent en effet tous un nom de code inspiré de célèbres marques de friandises, bonbons, chocolats, crèmes glacées ou sodas : “Finger” pour le Qatar (sa capitale s’appelle… Doha), “Pop Corn” pour le Maroc, “Kinder” en Arabie Saoudite, “Oasis” à Dubai, “Crocodile” au Gabon, et “Miko” au Kazakhstan, dont le dictateur-président est le seul à ne pas avoir encore été reçu par François Hollande, quand bien même il utiliserait par contre le système FinSpy de FinFisher.
Depuis le classement sans suite de la plainte déposée à l’encontre d’Amesys, à la veille de la présidentielle, le nouveau gouvernement ne s’est jamais prononcé sur cette affaire, par plus que sur l’implication de Claude Guéant, Brice Hortefeux et des services secrets français, non plus que sur une éventuelle interdiction, à l’exportation, de la commercialisation des armes de surveillance numérique.
Pour se prémunir de ce genre de chevaux de Troie, Citizen Lab rappelle tout d’abord que ces logiciels espions ne peuvent être installés que si le pirate a un accès physique à la machine (ordinateur ou téléphone portable), ou si la victime accepte d’ouvrir une pièce jointe ou une application que les espions prennent cela dit généralement soin de maquiller de sorte qu’elle émane d’une personne ou institution de confiance. Les chercheurs recommandent également de régulièrement mettre à jour systèmes d’exploitation et logiciels -à commencer par l’anti-virus, les suites Office, Acrobat, Java, Flash, en vérifiant que les mises à jour proviennent de sources légitimes et de confiance-, mais également d’installer des fonds d’écran protégés par mot de passe (pour éviter à un intrus de profiter d’une pause pipi pour pirater votre système), et enfin d’utiliser si possible des mots de passe forts, et des logiciels de chiffrement. Voir aussi, à ce titre, notre petit manuel de contre-espionnage informatique.
Par Calimaqle 27 Juillet 2012pour https://scinfolex.wordpress.comEnglish Version A première vue, il y a assez peu de rapports entre les Jeux olympiques de Londres et les univers dystopiques du cyberpunk, tel qu’ils ont été imaginés à partir des années 80 dans les romans de William Gibson ou de Bruce Sterling, à partir des premières intuitions de Philip K. Dick ou de John Brunner.
A bien y réfléchir cependant, le dopage – dont le spectre rôde sans surprise toujours sur ces jeux 2012 – est déjà un élément qui fait penser au cyberpunk, où les humains cherchent à s’améliorer artificiellement par le biais d’implants bioniques ou l’absorption de substances chimiques.
Mais c’est plutôt à travers la gestion des droits de propriété intellectuelle par le CIO que l’analogie avec le cyberpunk me semble la plus pertinente et à mesure que se dévoile l’arsenal effrayant mis en place pour protéger les copyrights et les marques liés à ces jeux olympiques, on commence à entrevoir jusqu’où pourrait nous entraîner les dérives les plus graves de la propriété intellectuelle.
Une des caractéristiques moins connues des univers cyberpunk est en effet la place que prennent les grandes corporations privées dans la vie des individus. L’article de Wikipédia explicite ainsi ce trait particulier :
Multinationales devenues plus puissantes que des États, elles ont leurs propres lois, possèdent des territoires, et contrôlent la vie de leurs employés de la naissance à la mort. Leurs dirigeants sont le plus souvent dénués de tout sens moral. La compétition pour s’élever dans la hiérarchie est un jeu mortel. Les personnages des romans cyberpunk sont insignifiants comparativement au pouvoir quasi-divin que possèdent les méga-corporations : ils sont face à elles les grains de sable dans l’engrenage.
Dans les univers cyberpunk, les firmes privées les plus puissantes ont fini par absorber certaines des prérogatives qui dans notre monde sont encore l’apanage des Etats, comme le maintien de l’ordre par la police ou les armées. Les corporations cyberpunk contrôlent des territoires et les employés qui travaillent pour elles deviennent en quelque sorte l’équivalent de “citoyens” de ces firmes, dont les droits sont liés au fait d’appartenir à une société puissante ou non.
Pour les JO de Londres, le CIO est parvenu à se faire transférer certains droits régaliens par l’Etat anglais, mais les romanciers de la vague cyberpunk n’avaient pas prévu que c’est par le biais de la propriété intellectuelle que s’opérerait ce transfert de puissance publique.
Des opposants aux Jeux qui détournent le logo officiel de l’évènement. Vous allez voir que ce n’est pas sans risque sur le plan juridique…
Pour défendre ses marques et ses droits d’auteur, mais aussi être en mesure de garantir de réelles exclusivités à ses généreux sponsors comme Coca-Cola, Mac Donald’s, Adidas, BP Oil ou Samsung, le CIO a obtenu du Parlement anglais le vote en 2006 d’un Olympics Game Act, qui lui confère des pouvoirs exorbitants. L’Olympics Delivery Authority dispose ainsi d’une armada de 280 agents pour faire appliquer la réglementation en matière de commerce autour des 28 sites où se dérouleront les épreuves et le LOCOG (London Organizing Committee) dispose de son côté d’une escouade de protection des marques, qui arpentera les rues de Londres revêtue de casquettes violettes pour s’assurer du respect de l’Olympics Brand Policy. Ils auront le pouvoir d’entrer dans les commerces, mais aussi dans les “locaux privés”, et de saisir la justice par le biais de procédures d’exception accélérées pour faire appliquer des amendes allant jusqu’à 31 000 livres…
L’Olympics Game Act met en place une véritable police du langage, qui va peser de tout son poids sur la liberté d’expression pendant la durée des jeux. Il est par exemple interdit d’employer dans une même phrase deux des mots “jeux”, “2012″, Twenty Twelve”, “gold”, “bronze” ou “medal”. Pas question également d’utiliser, modifier, détourner, connoter ou créer un néologisme à partir des termes appartenant au champ lexical des Jeux. Plusieurs commerces comme l’Olympic Kebab, l’Olymic Bar ou le London Olympus Hotel ont été sommés de changer de noms sous peine d’amendes.
L’usage des symboles des jeux, comme les anneaux olympiques, est strictement réglementé. Un boulanger a été obligé d’enlever de sa vitrine des pains qu’il avait réalisés en forme d’anneaux ; une fleuriste a subi la même mésaventure pour des bouquets reprenant ce symbole et une grand-mère a même été inquiétée parce qu’elle avait tricoté pour une poupée un pull aux couleurs olympiques, destiné à être vendu pour une action de charité !
Cette règle s’applique aussi strictement aux médias, qui doivent avoir acheté les droits pour pouvoir employer les symboles et les termes liées aux Jeux. N’ayant pas versé cette obole, la chaîne BFM en a été ainsi réduite à devoir parler de “jeux d’été” pour ne pas dire “olympiques”. Une dérogation légale existe cependant au nom du droit à l’information pour que les journalistes puissent rendre compte de ces évènements publics. Mais l’application de cette exception est délicate à manier et le magazine The Spectator a été inquiété pour avoir détourné les anneaux olympiques sur une couverture afin d’évoquer les risques de censure découlant de cet usage du droit des marques. Cet article effrayant indique de son côté que plusieurs firmes anglaises préfèrent à titre préventif s’autocensurer et dire “The O-word” plutôt que de se risquer à employer le terme “Olympics“. On n’est pas loin de Lord Voldemort dans Harry Potter, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Dire-Le-Nom !
Des affiches protestant contre les restrictions imposées par le CIO sur le fondement du droit des marques.
Le dérapage vers la censure, le CIO l’a sans doute déjà allègrement franchi. Le blog anglais Free Speech rapporte que les comptes Twitter d’activistes protestant contre la tenue des jeux à Londres ont été suspendus suite à des demandes adressées à Twiter, parce qu’ils contenaient dans leur nom les termes JO 2012. Des moyens exceptionnels de police ont aussi été mis en place pour disperser les manifestations et patrouiller dans plus de 90 zones d’exclusion. Plus caricatural encore, il n’est permis de faire un lien hypertexte vers le site des JO 2012 que si l’on dit des choses positives à leurs propos ! Même Barack Obama et Mitt Romney ont été affectés par la police du langage du CIO, qui a exigé pour violation du copyright que des vidéos de campagne faisant allusion aux JO soient retirées…
Pour les spectateurs qui se rendront dans les stades, le contrôle sera plus drastique encore et ils seront liés par des clauses contractuelles extrêmement précises, détaillées sur les billets d’entrée. Ces mesures interdisent par exemple de rediffuser des vidéos ou des photos sur les réseaux sociaux, afin de protéger les exclusivités accordées aux médias et là encore, des cellules de surveillance ont été mises en place pour épier des sites comme Twitter, Facebook, Youtube, Facebook ou Instagram.
No photography, please. We are british.
Les règles des jeux dicteront également aux spectateurs jusqu’à ce qu’ils doivent manger. Impossible par exemple d’échapper aux frites de Mac Donald’s dans les lieux où se dérouleront les épreuves, ce dernier ayant obtenu une exclusivité sur ce plat, sauf comme accompagnement du plat national des fish’n chips pour lequel une exception a été accordée ! La propriété intellectuelle dictera également la manière de s’habiller, les autorités olympiques ayant indiqué qu’on pouvait tolérer que les spectateurs portent des Nikes alors qu’Adidas est sponsor officiel, mais pas qu’ils revêtent des T-Shirts Pepsi, dans la mesure où c’est Coca-Cola qui a payé pour être à l’affiche ! Pas le droit non plus d’apporter des routeurs 3G ou wifi sous peine de confiscation : British Telecom a décroché une exclusivité sur l’accès wifi et les spectateurs devront payer (mais uniquement par carte Visa, sponsor oblige !).
On pourrait encore multiplier ce genre d’exemples digne de Kafka, mais la démonstration me semble suffisamment éloquente. Ces Jeux de Londres nous font pleinement entrer dans l’âge cyberpunk. Un formidable transfert de puissance publique vers des firmes privées a été réalisé, en utilisant comme levier des droits de propriété intellectuelle. On mesure alors toute la force des “droits exclusifs” attachés aux marques et au copyright, dès lors qu’ils s’exercent ainsi de manière débridée, dans un environnement saturé de signes et de logos. Le Tumblr OpenOlymPICS documente la manière dont la ville de Londres s’est transformée avec l’évènement et comment les lieux se sont couverts d’allusion aux JO : ce sont autant de “marques” qui donne prise au pouvoir du CIO sur l’espace.
Cette propriété privé aboutit en fait bien à “priver” les citoyens de leurs libertés publiques pour les soumettre à la loi des corporations. Grâce à ces droits, ce sont des biens publics essentiels comme les mots du langage, l’information, l’espace urbain, les transports en commun, la gastronomie, les codes vestimentaires qui sont “privatisés”.
Le déclic qui m’a le plus fortement fait penser à l’univers cyberpunk, je l’ai eu lorsque nous avons appris qu’un athlète avait décidé de louer son épaule pour faire de la publicité sauvage pour des marques n’ayant pas versé de droits aux CIO par le biais d’un tatouage. Ce coureur a mis son propre bras aux enchères sur eBay et il s’est ainsi offert à une agence de pub’ pour 11 100 dollars. On est bien ici dans la soumission d’un individu à une corporation et elle passe comme dans les romans cyberpunk par des modifications corporelles qui inscrivent cette vassalité dans la chair !
Tatouage cyberpunk, mais l’athlète avec la marque d’une firme sur le bras n’est pas encore plus représentatif de ce courant de la Science Fiction ?
Ces dérives sont extrêmement graves et elles dessinent sans doute les contours d’un avenir noir pour nos sociétés. Au cours de la lutte contre ACTA, SOPA ou PIPA, l’un des points qui a attiré le plus de critiques de la part des collectifs de lutte pour la défense des libertés était précisément le fait que ces textes transféraient à des opérateurs privés (FAI ou titulaires de droits) des pouvoirs de police pour faire appliquer les droits de propriété intellectuelle. C’est exactement ce que la Quadrature du net par exemple reprochait au traité ACTA, dans cette vidéo Robocopyright ACTA, qui détournait d’ailleurs un des films emblématiques de la culture cyberpunk.
Ce que le CIO a obtenu du gouvernement britannique dépasse très largement tout ce qui figurait dans ACTA ou SOPA en termes de délégation de puissance publique. J’ai encore du mal à le croire, mais dans cet article, on apprend même que le Ministre de la défense britannique prévoyait, à la demande des autorités olympiques, d’installer des batteries de missiles sur des toits d’immeubles d’habitation pour protéger des sites olympiques d’éventuelles attaques terroristes. Si ça, c’est pas cyberpunk !
Olympics 2012 London Missile Protest. Par OpenDemocraty. CC-BY-SA. Source : Flickr
Dans un article paru sur le site du Monde, Patrick Clastre, un historien spécialisé dans l’histoire des jeux indique que le degré de contrôle n’a jamais été aussi fort que pour ces jeux à Londres, bien plus en fait qu’il ne le fut à Pékin en 2008. Il ajoute que pour imposer ce type de règles, le CIO a besoin “d’une dictature ou d’un pays ultralibéral“.
Cette phrase est glaçante.
Imaginez un instant qu’un parti politique par exemple ait la possibilité de contrôler les médias, de mettre en oeuvre une censure, de lever une police privée, de faire fermer des commerces, d’imposer à la population des règles concernant la nourriture et l’habillement, etc. Ne crierait-on pas à la dérive fascisante et n’aurait-on pas raison de le faire ? Le niveau de censure et de contrôle exercé en ce moment à Londres est-il si différent de celui qui pesait sur les populations arabes avant leurs révolutions ?
Doit-on faire deux poids, deux mesures parce que des firmes et des marques sont en jeu plutôt qu’un parti ? En ce sens, je vois un certain parallèle entre ces jeux de Londres de 2012 et les funestes jeux de Berlin de 1936. On dira peut-être que je marque un point Godwin, mais en termes d’atteinte aux libertés publiques, est-on vraiment si éloigné de ce qui se passait en Allemagne durant l’entre-deux-guerres ?
La semaine dernière, Jérémie Nestel du collectif Libre Accès a écrit un billet extrêmement fort, intitulé “la disparition des biens communs cognitifs annonce une société totalitaire“. J’étais globalement d’accord avec son propos, même si je trouvais l’emploi du terme “totalitaire” contestable. Mais cet article comporte les passages suivants, qui font directement écho aux dérapages juridiques des Jeux Olympiques :
La volonté des multinationales de privatiser les biens communs cognitifs est une atteinte à la sphère publique. La sphère publique, jusqu’à présent désignée comme un espace ouvert accessible à tous, au sein duquel on peut librement circuler, peut s’étendre aux espaces cognitifs. [...] Empêcher la transformation d’une œuvre, et crèer artificiellement une frontière au sein « des espace communs de la connaissance » est un acte propre à une société totalitaire.
Les règles mises en place par le CIO pour protéger ses droits de propriété intellectuelle portent gravement atteinte à la sphère publique et elles aboutissent à la destruction de biens communs essentiels. Hannah Arendt explique très bien que le totalitarisme opère en détruisant la distinction entre la sphère publique et la sphère privée. Dans le cas des fascismes d’entre-deux-guerres ou du stalinisme, c’est la sphère publique qui a débordé de son lit et qui a englouti la sphère privée jusqu’à la dévorer entièrement.
Les dérives de la propriété intellectuelle que l’on constate lors de ces jeux olympiques fonctionnent en sens inverse. C’est cette fois la sphère privée qui submerge l’espace public et le détruit pour le soumettre à sa logique exclusive. L’effet désastreux sur les libertés individuelles est sensiblement identique et c’est précisément ce processus de corruption qu’avaient anticipé les auteurs du Cyberpunk, avec leurs corporations souveraines.
A la différence près qu’ils n’avaient pas imaginé que ce serait la propriété intellectuelle qui serait la cause de l’avènement de ce cauchemar…
Ne croyons pas en France être à l’abri de telles dérives. Tout est déjà inscrit en filigranne dans nos textes de lois. Le Code du Sport prévoit déjà que les photographies prises lors d’une compétition appartiennent automatiquement aux fédérations sportives, ce qui ouvre la porte à une forme d’appropriation du réel. A l’issue de l’arrivée du Tour de France, des vidéos amateurs ont ainsi été retirées de Youtube à la demande de la société organisatrice du Tour, avec l’accord du CSA, qui dispose en vertu d’une autre loi du pouvoir de fixer les conditions de diffusion de ce type d’images. Et les compétences de cette autorité s’étendent aux manifestations sportives, mais plus largement “aux évènements de toute nature qui présentent un intérêt pour le public“…
Réagissons avant qu’il ne soit trop tard et refusons ces monstruosités juridiques !
A première vue, il y a assez peu de rapports entre les Jeux olympiques de Londres et les univers dystopiques du cyberpunk, tel qu’ils ont été imaginés à partir des années 80 dans les romans de William Gibson ou de Bruce Sterling, à partir des premières intuitions de Philip K. Dick ou de John Brunner.
A bien y réfléchir cependant, le dopage – dont le spectre rôde sans surprise toujours sur ces jeux 2012 – est déjà un élément qui fait penser au cyberpunk, où les humains cherchent à s’améliorer artificiellement par le biais d’implants bioniques ou l’absorption de substances chimiques.
Mais c’est plutôt à travers la gestion des droits de propriété intellectuelle par le CIO que l’analogie avec le cyberpunk me semble la plus pertinente et à mesure que se dévoile l’arsenal effrayant mis en place pour protéger les copyrights et les marques liés à ces jeux olympiques, on commence à entrevoir jusqu’où pourrait nous entraîner les dérives les plus graves de la propriété intellectuelle.
Une des caractéristiques moins connues des univers cyberpunk est en effet la place que prennent les grandes corporations privées dans la vie des individus. L’article de Wikipédia explicite ainsi ce trait particulier :
Multinationales devenues plus puissantes que des États, elles ont leurs propres lois, possèdent des territoires, et contrôlent la vie de leurs employés de la naissance à la mort. Leurs dirigeants sont le plus souvent dénués de tout sens moral. La compétition pour s’élever dans la hiérarchie est un jeu mortel. Les personnages des romans cyberpunk sont insignifiants comparativement au pouvoir quasi-divin que possèdent les méga-corporations : ils sont face à elles les grains de sable dans l’engrenage.
Dans les univers cyberpunk, les firmes privées les plus puissantes ont fini par absorber certaines des prérogatives qui dans notre monde sont encore l’apanage des Etats, comme le maintien de l’ordre par la police ou les armées. Les corporations cyberpunk contrôlent des territoires et les employés qui travaillent pour elles deviennent en quelque sorte l’équivalent de “citoyens” de ces firmes, dont les droits sont liés au fait d’appartenir à une société puissante ou non.
Pour les JO de Londres, le CIO est parvenu à se faire transférer certains droits régaliens par l’Etat anglais, mais les romanciers de la vague cyberpunk n’avaient pas prévu que c’est par le biais de la propriété intellectuelle que s’opérerait ce transfert de puissance publique.
Des opposants aux Jeux qui détournent le logo officiel de l’évènement. Vous allez voir que ce n’est pas sans risque sur le plan juridique…
Pour défendre ses marques et ses droits d’auteur, mais aussi être en mesure de garantir de réelles exclusivités à ses généreux sponsors comme Coca-Cola, Mac Donald’s, Adidas, BP Oil ou Samsung, le CIO a obtenu du Parlement anglais le vote en 2006 d’un Olympics Game Act, qui lui confère des pouvoirs exorbitants. L’Olympics Delivery Authority dispose ainsi d’une armada de 280 agents pour faire appliquer la réglementation en matière de commerce autour des 28 sites où se dérouleront les épreuves et le LOCOG (London Organizing Committee) dispose de son côté d’une escouade de protection des marques, qui arpentera les rues de Londres revêtue de casquettes violettes pour s’assurer du respect de l’Olympics Brand Policy. Ils auront le pouvoir d’entrer dans les commerces, mais aussi dans les “locaux privés”, et de saisir la justice par le biais de procédures d’exception accélérées pour faire appliquer des amendes allant jusqu’à 31 000 livres…
L’Olympics Game Act met en place une véritable police du langage, qui va peser de tout son poids sur la liberté d’expression pendant la durée des jeux. Il est par exemple interdit d’employer dans une même phrase deux des mots “jeux”, “2012″, Twenty Twelve”, “gold”, “bronze” ou “medal”. Pas question également d’utiliser, modifier, détourner, connoter ou créer un néologisme à partir des termes appartenant au champ lexical des Jeux. Plusieurs commerces comme l’Olympic Kebab, l’Olymic Bar ou le London Olympus Hotel ont été sommés de changer de noms sous peine d’amendes.
L’usage des symboles des jeux, comme les anneaux olympiques, est strictement réglementé. Un boulanger a été obligé d’enlever de sa vitrine des pains qu’il avait réalisés en forme d’anneaux ; une fleuriste a subi la même mésaventure pour des bouquets reprenant ce symbole et une grand-mère a même été inquiétée parce qu’elle avait tricoté pour une poupée un pull aux couleurs olympiques, destiné à être vendu pour une action de charité !
Cette règle s’applique aussi strictement aux médias, qui doivent avoir acheté les droits pour pouvoir employer les symboles et les termes liées aux Jeux. N’ayant pas versé cette obole, la chaîne BFM en a été ainsi réduite à devoir parler de “jeux d’été” pour ne pas dire “olympiques”. Une dérogation légale existe cependant au nom du droit à l’information pour que les journalistes puissent rendre compte de ces évènements publics. Mais l’application de cette exception est délicate à manier et le magazine The Spectator a été inquiété pour avoir détourné les anneaux olympiques sur une couverture afin d’évoquer les risques de censure découlant de cet usage du droit des marques. Cet article effrayant indique de son côté que plusieurs firmes anglaises préfèrent à titre préventif s’autocensurer et dire “The O-word” plutôt que de se risquer à employer le terme “Olympics“. On n’est pas loin de Lord Voldemort dans Harry Potter, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Dire-Le-Nom !
Des affiches protestant contre les restrictions imposées par le CIO sur le fondement du droit des marques.
Le dérapage vers la censure, le CIO l’a sans doute déjà allègrement franchi. Le blog anglais Free Speech rapporte que les comptes Twitter d’activistes protestant contre la tenue des jeux à Londres ont été suspendus suite à des demandes adressées à Twiter, parce qu’ils contenaient dans leur nom les termes JO 2012. Des moyens exceptionnels de police ont aussi été mis en place pour disperser les manifestations et patrouiller dans plus de 90 zones d’exclusion. Plus caricatural encore, il n’est permis de faire un lien hypertexte vers le site des JO 2012 que si l’on dit des choses positives à leurs propos ! Même Barack Obama et Mitt Romney ont été affectés par la police du langage du CIO, qui a exigé pour violation du copyright que des vidéos de campagne faisant allusion aux JO soient retirées…
Pour les spectateurs qui se rendront dans les stades, le contrôle sera plus drastique encore et ils seront liés par des clauses contractuelles extrêmement précises, détaillées sur les billets d’entrée. Ces mesures interdisent par exemple de rediffuser des vidéos ou des photos sur les réseaux sociaux, afin de protéger les exclusivités accordées aux médias et là encore, des cellules de surveillance ont été mises en place pour épier des sites comme Twitter, Facebook, Youtube, Facebook ou Instagram.
No photography, please. We are british.
Les règles des jeux dicteront également aux spectateurs jusqu’à ce qu’ils doivent manger. Impossible par exemple d’échapper aux frites de Mac Donald’s dans les lieux où se dérouleront les épreuves, ce dernier ayant obtenu une exclusivité sur ce plat, sauf comme accompagnement du plat national des fish’n chips pour lequel une exception a été accordée ! La propriété intellectuelle dictera également la manière de s’habiller, les autorités olympiques ayant indiqué qu’on pouvait tolérer que les spectateurs portent des Nikes alors qu’Adidas est sponsor officiel, mais pas qu’ils revêtent des T-Shirts Pepsi, dans la mesure où c’est Coca-Cola qui a payé pour être à l’affiche ! Pas le droit non plus d’apporter des routeurs 3G ou wifi sous peine de confiscation : British Telecom a décroché une exclusivité sur l’accès wifi et les spectateurs devront payer (mais uniquement par carte Visa, sponsor oblige !).
On pourrait encore multiplier ce genre d’exemples digne de Kafka, mais la démonstration me semble suffisamment éloquente. Ces Jeux de Londres nous font pleinement entrer dans l’âge cyberpunk. Un formidable transfert de puissance publique vers des firmes privées a été réalisé, en utilisant comme levier des droits de propriété intellectuelle. On mesure alors toute la force des “droits exclusifs” attachés aux marques et au copyright, dès lors qu’ils s’exercent ainsi de manière débridée, dans un environnement saturé de signes et de logos. Le Tumblr OpenOlymPICS documente la manière dont la ville de Londres s’est transformée avec l’évènement et comment les lieux se sont couverts d’allusion aux JO : ce sont autant de “marques” qui donne prise au pouvoir du CIO sur l’espace.
Cette propriété privé aboutit en fait bien à “priver” les citoyens de leurs libertés publiques pour les soumettre à la loi des corporations. Grâce à ces droits, ce sont des biens publics essentiels comme les mots du langage, l’information, l’espace urbain, les transports en commun, la gastronomie, les codes vestimentaires qui sont “privatisés”.
Le déclic qui m’a le plus fortement fait penser à l’univers cyberpunk, je l’ai eu lorsque nous avons appris qu’un athlète avait décidé de louer son épaule pour faire de la publicité sauvage pour des marques n’ayant pas versé de droits aux CIO par le biais d’un tatouage. Ce coureur a mis son propre bras aux enchères sur eBay et il s’est ainsi offert à une agence de pub’ pour 11 100 dollars. On est bien ici dans la soumission d’un individu à une corporation et elle passe comme dans les romans cyberpunk par des modifications corporelles qui inscrivent cette vassalité dans la chair !
Tatouage cyberpunk, mais l’athlète avec la marque d’une firme sur le bras n’est pas encore plus représentatif de ce courant de la Science Fiction ?
Ces dérives sont extrêmement graves et elles dessinent sans doute les contours d’un avenir noir pour nos sociétés. Au cours de la lutte contre ACTA, SOPA ou PIPA, l’un des points qui a attiré le plus de critiques de la part des collectifs de lutte pour la défense des libertés était précisément le fait que ces textes transféraient à des opérateurs privés (FAI ou titulaires de droits) des pouvoirs de police pour faire appliquer les droits de propriété intellectuelle. C’est exactement ce que la Quadrature du net par exemple reprochait au traité ACTA, dans cette vidéo Robocopyright ACTA, qui détournait d’ailleurs un des films emblématiques de la culture cyberpunk.
Ce que le CIO a obtenu du gouvernement britannique dépasse très largement tout ce qui figurait dans ACTA ou SOPA en termes de délégation de puissance publique. J’ai encore du mal à le croire, mais dans cet article, on apprend même que le Ministre de la défense britannique prévoyait, à la demande des autorités olympiques, d’installer des batteries de missiles sur des toits d’immeubles d’habitation pour protéger des sites olympiques d’éventuelles attaques terroristes. Si ça, c’est pas cyberpunk !
Olympics 2012 London Missile Protest. Par OpenDemocraty. CC-BY-SA. Source : Flickr
Dans un article paru sur le site du Monde, Patrick Clastre, un historien spécialisé dans l’histoire des jeux indique que le degré de contrôle n’a jamais été aussi fort que pour ces jeux à Londres, bien plus en fait qu’il ne le fut à Pékin en 2008. Il ajoute que pour imposer ce type de règles, le CIO a besoin “d’une dictature ou d’un pays ultralibéral“.
Cette phrase est glaçante.
Imaginez un instant qu’un parti politique par exemple ait la possibilité de contrôler les médias, de mettre en oeuvre une censure, de lever une police privée, de faire fermer des commerces, d’imposer à la population des règles concernant la nourriture et l’habillement, etc. Ne crierait-on pas à la dérive fascisante et n’aurait-on pas raison de le faire ? Le niveau de censure et de contrôle exercé en ce moment à Londres est-il si différent de celui qui pesait sur les populations arabes avant leurs révolutions ?
Doit-on faire deux poids, deux mesures parce que des firmes et des marques sont en jeu plutôt qu’un parti ? En ce sens, je vois un certain parallèle entre ces jeux de Londres de 2012 et les funestes jeux de Berlin de 1936. On dira peut-être que je marque un point Godwin, mais en termes d’atteinte aux libertés publiques, est-on vraiment si éloigné de ce qui se passait en Allemagne durant l’entre-deux-guerres ?
La semaine dernière, Jérémie Nestel du collectif Libre Accès a écrit un billet extrêmement fort, intitulé “la disparition des biens communs cognitifs annonce une société totalitaire“. J’étais globalement d’accord avec son propos, même si je trouvais l’emploi du terme “totalitaire” contestable. Mais cet article comporte les passages suivants, qui font directement écho aux dérapages juridiques des Jeux Olympiques :
La volonté des multinationales de privatiser les biens communs cognitifs est une atteinte à la sphère publique. La sphère publique, jusqu’à présent désignée comme un espace ouvert accessible à tous, au sein duquel on peut librement circuler, peut s’étendre aux espaces cognitifs. [...] Empêcher la transformation d’une œuvre, et crèer artificiellement une frontière au sein « des espace communs de la connaissance » est un acte propre à une société totalitaire.
Les règles mises en place par le CIO pour protéger ses droits de propriété intellectuelle portent gravement atteinte à la sphère publique et elles aboutissent à la destruction de biens communs essentiels. Hannah Arendt explique très bien que le totalitarisme opère en détruisant la distinction entre la sphère publique et la sphère privée. Dans le cas des fascismes d’entre-deux-guerres ou du stalinisme, c’est la sphère publique qui a débordé de son lit et qui a englouti la sphère privée jusqu’à la dévorer entièrement.
Les dérives de la propriété intellectuelle que l’on constate lors de ces jeux olympiques fonctionnent en sens inverse. C’est cette fois la sphère privée qui submerge l’espace public et le détruit pour le soumettre à sa logique exclusive. L’effet désastreux sur les libertés individuelles est sensiblement identique et c’est précisément ce processus de corruption qu’avaient anticipé les auteurs du Cyberpunk, avec leurs corporations souveraines.
A la différence près qu’ils n’avaient pas imaginé que ce serait la propriété intellectuelle qui serait la cause de l’avènement de ce cauchemar…
Ne croyons pas en France être à l’abri de telles dérives. Tout est déjà inscrit en filigranne dans nos textes de lois. Le Code du Sport prévoit déjà que les photographies prises lors d’une compétition appartiennent automatiquement aux fédérations sportives, ce qui ouvre la porte à une forme d’appropriation du réel. A l’issue de l’arrivée du Tour de France, des vidéos amateurs ont ainsi été retirées de Youtube à la demande de la société organisatrice du Tour, avec l’accord du CSA, qui dispose en vertu d’une autre loi du pouvoir de fixer les conditions de diffusion de ce type d’images. Et les compétences de cette autorité s’étendent aux manifestations sportives, mais plus largement “aux évènements de toute nature qui présentent un intérêt pour le public“…
Réagissons avant qu’il ne soit trop tard et refusons ces monstruosités juridiques !
Par Jean-Claude Sergeantoctobre 2011Pour http://www.monde-diplomatique.frIl arrive que l’arbre révèle la forêt. En juillet 2011, les Britanniques, scandalisés, découvraient la nature des pratiques journalistiques de l’hebdomadaire « News of the World ». Mais cette dérive en éclairait d’autres : concentration de la propriété des médias, marchandisation de l’information, connivences politiques. Une conception de la presse qu’incarne à lui seul le magnat Rupert Murdoch.
Ce fut l’enquête de trop. Le 5 juillet 2011, News Corp., le troisième empire médiatique mondial, propriété de M. Rupert Murdoch (dont les cinquante-trois mille employés œuvrent sur quatre continents), vacille (1) : la révélation qu’un journaliste de News of the World, principal tirage de la presse dominicale britannique (deux millions sept cent mille exemplaires), a eu accès à la messagerie vocale de Milly Dowler, petite fille de 13 ans assassinée en 2002, provoque un sursaut d’indignation parmi le public. Les Britanniques apprennent que le piratage a également concerné les boîtes vocales de familles de militaires tués en Afghanistan. Si ce type d’intrusion dans la vie privée de personnalités à forte notoriété était connu depuis longtemps, le recours à ce mode d’immixtion dans l’intimité des simples particuliers frappés par l’affliction dépasse les bornes de l’acceptable, déjà largement repoussées par la presse populaire du pays.
Cible de l’indignation, News of the World. Hebdomadaire racheté par M. Murdoch en 1969 et premier jalon de sa carrière médiatique au Royaume-Uni, ce titre se fait très vite une spécialité de la révélation tapageuse de scandales, de malversations et de trafics mis au jour par une équipe de journalistes passés maîtres dans l’art du travestissement et de l’infiltration.
Cette ligne éditoriale conduit la rédaction à alimenter ses sujets par des moyens illicites : hier les clichés pris au zoom dans des lieux réputés privés, aujourd’hui le piratage des communications déposées dans les boîtes vocales. En 2006, leurs intrusions dans la messagerie des princes Harry et William avaient valu quelques mois de prison à deux des collaborateurs du journal : Clive Goodman et Glenn Mulcaire.
Reconnaissant sa responsabilité professionnelle, le directeur de la rédaction, Andy Coulson, décide de démissionner. Non sans affirmer que ce genre de pratique n’était le fait que d’un journaliste dévoyé et qu’il n’avait, personnellement, jamais cautionné le piratage de boîtes vocales comme méthode d’investigation. Mais ce brevet autodécerné d’éthique journalistique ne convainc guère : en mars 2003, Rebekah Brooks, alors directrice de la rédaction du Sun, premier tirage de la presse britannique et propriété de M. Murdoch depuis 1969, avait admis que des membres des services de police avaient été rétribués, dans le passé, en échange d’informations. Pour sa part, Coulson avait affirmé que, si les journalistes sous sa direction avaient pour consigne de respecter les lois, ils étaient prêts à les transgresser au nom de l’intérêt public.
On doit à l’opiniâtreté du Guardian d’avoir maintenu sa vigilance sur l’affaire du piratage des messageries téléphoniques. Ultime défenseur des positions sociales- démocrates avec The Independent et, accessoirement, le Daily Mirror, le quotidien et son complément dominical The Observer se sont constamment opposés à l’emprise croissante de M. Murdoch sur les médias et la vie politique britanniques. En septembre 2010, Nicholas Davies y rapporte le témoignage d’un ancien journaliste de News of the World corroborant celui de cinq autres membres de la rédaction interviewés par le Guardian : les pratiques délictueuses du dominical s’avèrent routinières.
Certains parlementaires laissent alors entendre que leurs propres messageries ont été visitées à leur insu. M. John Prescott, par exemple : l’ancien numéro deux du gouvernement de M. Anthony Blair (aujourd’hui pair du Royaume) se dit convaincu d’avoir été l’objet de l’attention clandestine de News of the World lorsque sa liaison avec une collaboratrice avait été rendue publique en 2006. Quand il était chargé des finances du pays (1997-2007), M. Gordon Brown avait également été la cible des professionnels du piratage téléphonique employés par News of the World. En jeu dans cette affaire : l’atteinte à la liberté d’expression conférée aux parlementaires par la Déclaration des droits (Bill of Rights) de 1689 et l’inviolabilité de l’ensemble de leurs communications en vertu de la doctrine que le travailliste Harold Wilson (2) avait instituée pour protéger les relations entre les parlementaires et leurs mandants.
Les membres du Parlement se montrent d’autant plus sourcilleux à cet égard qu’ils ont subi, deux ans plus tôt, la mortifiante révélation de leur laxisme en matière de notes de frais, que le Daily Telegraph s’est fait un plaisir de révéler jour après jour à partir de sources dont certaines auraient été rémunérées. Les parlementaires saisissent-ils cette occasion d’épingler un organe de presse, si peu recommandable soit-il, pour tenter de rétablir leur intégrité aux yeux du public ? Dans les rangs travaillistes, de surcroît, nul n’a oublié le camouflet infligé par la direction du Sun : choisir le jour du discours de clôture de M. Brown au congrès travailliste de septembre 2009 pour annoncer son soutien aux conservateurs, après avoir, plus ou moins fidèlement, apporté son appui au « New Labour » depuis 1997.
L’opposition comprend vite que le scandale offre la possibilité de reprendre l’initiative. M. Edward Miliband, le nouveau chef du Labour, sait sa crédibilité fragile. Il ne tarde pas à remettre en cause la décision du premier ministre David Cameron, qui, au lendemain des élections de mai 2010, avait fait de Coulson son directeur de communication. Les stratèges conservateurs étaient persuadés que cet expert de la presse populaire serait capable de contrebalancer l’effet potentiellement répulsif auprès de l’électorat des origines patriciennes de l’équipe conservatrice aux commandes (3). Mais avait-il été judicieux de confier ce poste à un homme dont M. Cameron ne pouvait pas ignorer l’implication, au moins tacite, dans les pratiques délictueuses qui avaient cours, sous son autorité, à News of the World ?
En outre, l’affaire du piratage des messageries vocales intervient au moment où M. Murdoch cherche à acquérir les 61 % du capital de British Sky Broadcasting (BSkyB) qu’il ne détient pas encore. Principal opérateur de télévision à péage, la chaîne compte aujourd’hui onze millions d’abonnés et dégage un chiffre d’affaires supérieur au montant de la redevance qui alimente la British Broadcasting Corporation (BBC), environ 3,5 milliards de livres sterling, soit environ 4 milliards d’euros. BSkyB, produit de la fusion en 1990 de SkyTV, contrôlé par M. Murdoch, et du consortium British Satellite Broadcasting, conçu par les principaux opérateurs privés de télévision britanniques, offre aux abonnés un bouquet d’environ cent cinquante chaînes, essentiellement de sport et de cinéma, dont l’une, Sky News, spécialisée dans l’information en continu, pose problème. Est-il acceptable que le groupe News Corp., qui contrôle déjà 35 % du marché de la presse nationale par l’intermédiaire de sa filiale News International, soit autorisé à mettre la main sur une chaîne d’information (quelle que soit la faiblesse de sa part d’audience) ?
Par l’entrée dérobée du jardin
En décembre 2010, l’affaire semble réglée. Le ministre chargé des médias, M. Jeremy Hunt, décide de ne pas soumettre l’offre de M. Murdoch à l’appréciation de la commission des monopoles, traditionnellement responsable de l’évaluation des risques de constitution de positions monopolistiques. En échange, il obtient l’engagement de M. Murdoch d’extraire Sky News du bouquet BSkyB et d’en confier la gestion à une structure indépendante. Compte tenu des révélations de juillet 2011 relatives aux pratiques de News of the World, certains s’interrogent : M. Murdoch présente-t-il toutes les qualités de respectabilité requises par le régulateur de l’audiovisuel — Office of Communications (Ofcom) — pour que lui soit confiée l’exploitation de la licence de BSkyB ? Des parlementaires évoquent le précédent de 1981 qui avait permis à M. Murdoch d’acquérir les titres du groupe Times Newspapers, avec l’assentiment de Mme Margaret Thatcher, sans que le ministre du commerce de l’époque en réfère, comme il aurait dû le faire, à la commission des fusions et des monopoles. A compter de cette époque, avec 35 % de la diffusion de la presse, M. Murdoch avait pu peser sur la vie politique du pays.
La mobilisation des parlementaires travaillistes et libéraux-démocrates, soutenue par certains titres de Fleet Street (4) et renforcée par les reportages du New York Times, a conduit à de spectaculaires résultats. En janvier 2011, Coulson remet sa démission au premier ministre. Quelques mois plus tard, M. Murdoch renonce à son projet de rachat de BSkyB. Le 7 juillet, M. James Murdoch — son fils, responsable des opérations de News Corp. en Europe — annonce la fermeture de News of the World, entraînant la mise à pied de ses deux cents journalistes et employés. C’est la fin de l’un des plus anciens titres de la presse nationale britannique, fondé en 1843 — mais qui ne représente, ainsi que le dira par la suite M. Murdoch, que 1 % des revenus du groupe. De leur côté, les plus hauts responsables de la Metropolitan Police (Scotland Yard) reconnaissent leurs manquements dans la conduite de l’enquête concernant les pratiques illicites de News of the World : elle s’était limitée au seul journaliste Goodman et à son informateur, au domicile desquels onze mille pages de notes, identifiant environ quatre mille victimes potentielles, avaient été saisies mais étaient restées inexploitées. Dans un entretien au Daily Telegraph (5), le numéro deux de Scotland Yard, M. John Yates, concède que, focalisée sur les menaces terroristes, la police n’avait certainement pas mobilisé les moyens nécessaires pour poursuivre l’enquête engagée en 2006, d’autant que le service s’en tenait alors au principe selon lequel ne tombent sous le coup de la loi que les captations de messages téléphoniques qui n’ont pas été entendus par leurs destinataires. M. Yates est finalement acculé à la démission (le 18 juillet) dans la foulée de son supérieur hiérarchique, M. Paul Stephenson, dont l’engagement comme conseiller d’un ancien directeur adjoint de News of the World, lui-même entendu dans le cadre de la nouvelle enquête ouverte en janvier 2011 sur les pratiques du journal, venait d’être révélé.
Dans l’espoir de contenir la propagation d’une crise politico-médiatique, qui allait contraindre le premier ministre à écourter son voyage en Afrique, News International publie dans la presse nationale un mea culpa sous le titre « Putting right what’s gone wrong » (« réparer les erreurs »). Il est assorti d’engagements concernant l’indemnisation des victimes d’intrusions pratiquées par le journal et la volonté du groupe de collaborer avec les enquêteurs de Scotland Yard et la commission de la Chambre des communes chargée de faire la lumière sur ces dérives.
A partir du 15 juillet, News Corp. fait profil bas. Ce jour-là, Brooks démissionne de News International. Elle en était devenue directrice générale en 2009. M. Les Hinton, responsable de la société jusqu’en 2005, l’imite. Pourtant, il dirige alors le groupe Dow Jones (racheté en 2007), qui édite le Wall Street Journal. Quatre jours plus tard, le magnat consent à comparaître, en compagnie de son fils James et de Brooks, son héritière spirituelle, devant la commission de la Chambre des communes réunie spécialement pour établir les responsabilités dans l’affaire du piratage des messageries pratiqué par News of the World. On retiendra des trois heures d’audition l’image d’un Murdoch affaibli et amnésique, s’exprimant par monosyllabes et convenant, tel le loup se faisant ermite, qu’il ne s’était jamais senti aussi « humble », pour ne pas dire humilié. Quant au fond, rien de bien nouveau : regrets, promesses de remettre de l’ordre dans les affaires du groupe et de punir, comme ils le méritent, les coupables, quand ils seront connus.
On aurait voulu croire à la prophétie de Polly Toynbee, chroniqueuse au Guardian, qui écrivait en 2006 : « L’homme politique qui aura le courage d’affronter Murdoch sera peut-être surpris de s’apercevoir que ce n’est, après tout, qu’un tigre de papier (6). » Mais l’homme qui comparaît le 19 juillet devant un petit nombre de parlementaires, plus ou moins affûtés, ne fait pas mystère de vouloir continuer à peser sur les destinées du groupe, passagèrement chahuté sur les marchés. Si les actions de News Corp. perdent 18 % entre les 4 et 18 juillet, elles reprennent 6 % à la suite de l’audition des Murdoch père et fils, tandis qu’à Londres celles de BSkyB s’apprécient de près de 3 %. Les enquêtes en cours au Royaume-Uni et aux Etats-Unis conduiront-elles à restructurer l’empire Murdoch et à marginaliser son fondateur, ainsi que le souhaitent un certain nombre d’actionnaires influents ? Rien n’est moins sûr.
Cette crise politico-médiatique aura été salutaire à plusieurs titres. D’abord parce qu’elle a permis de souligner la proximité du pouvoir politique avec les médias et, particulièrement, du Parti conservateur avec les dirigeants de News International. Les relations amicales qui s’étaient nouées entre le couple Cameron et Brooks au cours de réunions dans leurs résidences de week-end ont été détaillées par la presse. Lors de son audition, M. Murdoch rappelait, d’un souffle, qu’il avait rendu visite au premier ministre à Downing Street, par l’entrée dérobée du jardin, peu de temps après les élections de mai 2010.
Cette connivence n’est pas, bien entendu, le fait des seuls conservateurs. Sans remonter au début du xxe siècle, qui a vu Lloyd George, alors premier ministre, subventionner le rachat du Daily News pour défendre sa politique, il suffit de rappeler le voyage qu’effectua M. Blair en Australie en juin 1995 pour y rencontrer M. Murdoch et ses collaborateurs. Il y était accompagné de M. Alastair Campbell, son conseiller médias, ancien journaliste politique au Daily Mirror, qui, une fois chargé de la communication de M. Blair, fit de la gestion de ses relations avec les médias un redoutable instrument de pouvoir. On lui prête l’obsession de prévoir ce qui fera la « une » du Sun du lendemain et de vouloir contribuer à la rédiger. Le 6 juillet 2011, M. Christopher Bryant, ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes de M. Brown, dénonçait, à la Chambre des communes, la servilité des dirigeants politiques vis-à-vis des médias : « Nous dépendons d’eux, nous recherchons leurs faveurs, nous faisons dépendre notre vie et notre mort politiques de ce qu’ils écrivent et de ce qu’ils montrent. Et, quelquefois, cela signifie que nous manquons de courage pour dénoncer les dérives. »
L’affaire aura donc mis au jour l’arrogance d’un groupe de presse qui s’estimait en mesure d’assurer la victoire électorale au parti qu’il décidait de soutenir. On se souvient du brevet d’efficacité que s’autodécernait le Sun au lendemain de la défaite des travaillistes en 1992 en publiant en première page : « It’s the Sun wot won it ! » (« C’est le Sun qui a gagné ! »). Son soutien n’aura toutefois pas permis aux conservateurs d’obtenir la majorité absolue espérée aux élections de 2010.
Le deuxième effet bénéfique concerne l’assainissement des relations entre les services de police et les médias. Il est apparu à l’occasion des investigations conduites depuis l’émergence de l’affaire de News of the World que les enquêteurs de Scotland Yard n’avaient guère poussé leur travail initial pour ne pas embarrasser le groupe Murdoch. A en croire un ancien responsable du service de presse de la Metropolitan Police passé à la rédaction du Mail on Sunday : « Il y a [à Scotland Yard] une réelle admiration pour la façon dont le journal [News of the World] a mené à bien des opérations clandestines qui ont permis de traduire en justice des criminels notoires. Il en résulte une proximité entre le Yard et tous les titres de News International (7). » Le pantouflage de policiers à la retraite dans les rédactions de Fleet Street facilite naturellement l’accès aux sources policières mais conduit à s’interroger sur la capacité des services à conserver leur liberté d’action dans les affaires impliquant les organes de presse, problème déontologique qu’il appartient à une commission parlementaire d’éclairer.
Reste, enfin, la question centrale de la régulation de la presse qui a été mise en cause après qu’à deux reprises la Press Complaints Commission (PCC) — instance d’autorégulation mise en place en 1991 — eut classé sans suite les plaintes relatives aux intrusions pratiquées par News of the World. Plus fondamentalement, se trouve au cœur du débat le problème de la protection de la vie privée inscrite à l’article 3 du code déontologique de la PCC, lequel proscrit explicitement l’interception des communications téléphoniques et la captation de courriels (article 10).
Que cette instance soit financée par les éditeurs de journaux et qu’une partie substantielle de ses membres soit issue des rédactions pose nécessairement un problème, déjà identifié par la commission Calcutt, chargée entre 1990 et 1993 de réfléchir au moyen de renforcer l’autonomie de l’organisme. Dans son ultime rapport (8), sir David Calcutt recommandait l’abolition de la PCC — qui, estimait-il, n’avait pas fait la preuve de son indépendance — et son remplacement par un tribunal spécialisé ayant pouvoir d’imposer la publication de rectificatifs et d’excuses ainsi que de sanctionner financièrement les éditeurs récalcitrants. « Tout système de régulation doit comporter une forme de sanction », insistait sir David, qui préconisait en outre l’adoption par le législateur d’un texte protégeant la vie privée, notamment contre les incursions des journalistes.
En 1995, le gouvernement — celui de M. John Major — rejetait les recommandations de la commission, estimant que l’instauration d’un système de contrôle réglementé serait interprétée comme une forme de censure par les éditeurs de journaux, qu’il fallait naturellement ménager.
S’agissant de la création d’un droit au respect de la vie privée, le gouvernement faisait valoir, à l’appui de sa décision de ne pas retenir cette recommandation, que les atteintes étaient en fait plus limitées que ne le laissaient supposer quelques affaires excessivement médiatisées et que, en outre, une telle protection irait à l’encontre de la capacité d’enquête de la presse. Enfin, le gouvernement reprenait à son compte l’idée selon laquelle le concept de vie privée était d’une telle complexité qu’il valait mieux ne pas tenter de le définir (9).
« J’en ai assez de tous ces snobs... »
La tempête déclenchée par l’affaire de News of the World a incité le chef de file travailliste et le dirigeant libéral-démocrate Nicholas Clegg, numéro deux du gouvernement, à réclamer une refonte du mode de régulation de la presse, demande à laquelle s’est rallié M. Cameron : le 15 juillet, il a nommé une commission dirigée par un magistrat unanimement respecté, sir Brian Levenson. Composée de six membres, dont deux journalistes, cette commission, qui a toute latitude pour recevoir les témoignages sous serment des personnes qu’elle aura décidé d’entendre, aura fort à faire. Chargée, au premier chef, de préconiser un nouveau mode de régulation de la presse écrite, elle a également reçu pour mandat de se pencher sur l’éthique professionnelle de la presse audiovisuelle, notamment de la BBC, fort critiquée par les conservateurs pour sa couverture de l’affaire de News of the World, et sur le fonctionnement des réseaux sociaux.
La presse n’a pas tardé à réagir, voyant déjà se profiler derrière cette réforme annoncée un contrôle qui n’ose pas dire son nom : « La classe politique britannique, s’estimant libérée du joug de Murdoch, pourrait renforcer la réglementation. Il deviendrait alors plus difficile de gagner de l’argent dans le secteur des médias », s’alarmait l’hebdomadaire The Economist le 23 juillet.
« Le premier ministre, écrivait le Daily Telegraph deux jours plus tôt, a déclaré qu’il ne voulait pas réglementer la presse. Il ne souhaite pas non plus le maintien du système d’autorégulation par l’intermédiaire de la PCC. Il veut un organisme indépendant, mais celui-ci sera inévitablement sous-tendu par la réglementation et ouvrira la porte à des contrôles législatifs qui iront à l’encontre de la liberté d’expression que M. Cameron dit vouloir préserver. »
Les conclusions de la commission Levenson ne sont pas attendues avant la fin 2012. D’ici là, le gouvernement aura eu connaissance du rapport d’une autre commission mise en place en mars 2011, chargée de préparer un éventuel projet de loi définissant les droits des citoyens britanniques — British Bill of Rights — qui aménagerait la loi relative aux droits de l’homme adoptée en 1998, dont l’article 8, analogue à celui de la convention européenne des droits de l’homme, protège la vie privée des individus. C’est par le biais de cet article que les magistrats britanniques ont eu progressivement tendance à privilégier le respect de la vie privée au détriment de la liberté d’informer garantie par l’article 10.
Selon M. Cameron, une telle évolution constituait une dérive qu’il importait de corriger : « Les magistrats utilisent la convention européenne des droits de l’homme pour promouvoir une sorte de loi protégeant la vie privée, sans que le Parlement ait son mot à dire. Il convient de réfléchir et de nous demander si c’est ainsi qu’il faut procéder (10). »
Si ce nouveau Bill of Rights voyait le jour, il devrait nécessairement définir de façon précise l’essence de la vie privée ainsi que le champ d’application de la liberté d’informer, laissant inévitablement aux magistrats le soin d’arbitrer les cas problématiques : ceux-ci ne pourront être résolus que par référence à une stricte définition de l’intérêt public qui seul autoriserait un empiétement dans le domaine de la vie privée (11). Par rapport à la situation dans laquelle la loi relative aux droits de l’homme de 1998 invite les magistrats, en son article 12.4, à donner priorité à la liberté d’informer dans les cas d’incertitude, on ne voit guère le progrès qu’apporterait ce nouveau texte. A moins que la commission ne se rallie à l’opinion de sir Harry Woolf, magistrat très impliqué dans les affaires de presse, qui estimait en 2002 que « les tribunaux ne doivent pas oublier que, si les journaux ne publient pas les informations qui intéressent le public, on publiera moins de journaux, ce qui ira à l’encontre de l’intérêt public (12) ». Source à laquelle s’abreuve la logique de marchandisation de l’information, cette vision des choses épousait parfaitement celle de M. Murdoch : « J’en ai assez de tous ces snobs qui nous expliquent que mes journaux sont mauvais, a expliqué le magnat. De ces snobs qui lisent des journaux que personne n’a envie de lire [et qui] s’estiment fondés à imposer leur goût au reste de la société (13). »
La crise consécutive à la révélation des pratiques de News of the World, dont l’hebdomadaire n’avait d’ailleurs pas le monopole, a permis de prendre conscience de la nocivité de certains modes de fonctionnement de la presse britannique, notamment populaire, et de s’engager dans la réforme de son système de régulation. Plus profondément, elle aura suscité une réflexion sur la quasi-promiscuité entre pouvoir politique et médias qui permettra, sans doute pour un temps, de restaurer la primauté du politique par rapport aux priorités des rédactions les plus populistes. Cet étonnant déballage pourrait avoir un impact sur la gestion de l’empire Murdoch s’il est prouvé que les agissements délictueux de l’une de ses filiales, en l’occurrence News International, ont eu une incidence sur la conduite du groupe. Il n’est pas sûr, en revanche, que cette crise, qui touche aux rouages de la démocratie, ait sensibilisé en profondeur une opinion publique plus attentive à la dégradation de son pouvoir d’achat et aux violences urbaines qu’à la mise à nu de celui qui prétendait en être l’interprète.
Jean-Claude Sergeant
Professeur émérite à l’université Paris-III (Sorbonne nouvelle). Auteur de l’ouvrage Les Médias britanniques, Ophrys-Ploton, Paris, 2004.
(2) Premier ministre de 1964 à 1970 et de 1974 à 1976.
(3) Le premier cabinet de M. Cameron comptait dix-huit millionnaires sur vingt-neuf membres.
(4) Désignation métonymique de la presse britannique dans son ensemble (à partir du nom de la rue où étaient installés les principaux titres avant leurs déménagements).
(7) Chester Stern, « Getting cosy with the Yard », The Guardian, 7 septembre 2010.
(8) Department of National Heritage, Review of Press Self-Regulation , Stationery Office Books, Londres, janvier 1993.
(9) Privacy and Media Intrusion : The Government’s Response to the House of Commons National Heritage Select Committee », Stationery Office Books, juillet 1995.